Situation synoptique qui ressemble beaucoup à celle du 15 avril 2020: panache tropical (tropical plume) sur le Mali et l'Algérie ( un peu plus au nord qu'en 2020).
Suite à discussion avec jean-Marcel Piriou, l'hypothèse la plus sérieuse pour expliquer la production de vent de nord est le gradient de pression engendré par la formation d'une zone de surpression ( anticyclonique vu la latitude) suite à évaporation des précipitations majoritairement stratiformes sous le panache tropical: voir l'estimation des pluies par satellite (produit COSPARIN V1 du centre météo spatial de Meteo-France) qui indique 20 à 30mm.
Ce mécanisme est abordé dans une demi-phrase (!) dans le chapitre 5 "aérosols désertiques" du manuel du prévisionniste africain ( p317), avec référence à une publication de Knippertz et Fink en 2006: synoptic and dynamic aspects of an extreme springtime Saharan dust outbreak. Ils en parlent dans leur page 19: "Evaporational cooling and the development of a density current"; Il est connu et bien décrit à l'échelle convective pour les haboobs, mais nettement moins sous les panaches tropicaux.
Les modèles de poussière représentent assez bien le processus : je montre le modèle Mocage de Météo-France, run du 30 avril 00UTC. La carte de vigilance basée sur du multi-modèle produite par l'AEMET (développé dans le cadre de CREWS Burkina) proposait de l'orange et du rouge (orange à J-2, non montré). On note qu'elle excluait à tort Ouagadougou !
L'anasyg du CISMF de Meteo-France résume la situation. C'est important de noter que, comme en 2020, cette nappe de poussière réduit très fortement les visibilités, mais sans vent.
On notera que les Td dans ce coup de nord sont assez élevés , autour de +10, en raison de l'apport d'humidité par les pluies, ce qui contraste avec les Td fortement négatifs sur l'est du Niger.
D'autre part, ce coup de nord a fait redescendre le FIT très nettement entre Bamako et Ougadougou
Bref, un schéma conceptuel d'épisode rare de poussière dense de très grande étendue, qui semble "classique" et qui mériterait donc d'être décrit plus en profondeur par la communauté scientifique: chercheurs et opérationnels.
Même si le produit AEMET est très utile, il reste de la place pour de l'expertise humaine. Celle-ci passe par la maîtrise des schémas conceptuels et un travail quotidien de critique des modèles. Une condition est que les produits d'alerte automatiques basés sur du multi-modèle ne doivent pas être des boites noires. Par exemple, la carte de l'AEMET est très déterministe; une carte avec probabilités de risque aurait permis d'alerter pour Ouagadougou (où le vert n'est pas loin du rouge !)
Vos retours du terrain sont bienvenus !